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Dit comme ça, c'est l'évidence absolu. Il ne faut pas avoir fait les Mines.

Et pourtant.

Pourtant, quand le monde est carré, on a envie de le devenir. Qu'on soit rond, triangle ou toute autre forme. Parce qu'on a tous envie d'être aimé, reconnu, admiré, désiré, voir même jalousé. Et si on a tellement envie d'être carré alors qu'on est rond, c'est que c'est très difficile de se faire accepter dès lors que nous sommes hors-normes.

Portrait de la situation actuelle : Mincir, atteindre son poids de forme, ne pas dépasser le 36,avoir un imc entre tant et tant pour la garantie d'une bonne santé, perdre quelques kilos pour l’été, raffermir, muscler, tonifier, le nouveau régime miracle, les astuces minceurs pour les paresseuses ( comme quoi être rond est toujours associé à un manque flagrant de volonté)… autant d’injonctions qui pimentent mon quotidien.

Tout ce qui fera de nous une femme parfaite. Du moins physiquement parlant car il y a tout un tas de critères à cocher sur la case de la femme-épouse-amante-mère idéale. Je vous en mets quelques un, pour le fun ( mais le dossier complet à remplir est aussi gros que le dernier quid, avis aux volontaires ) : "maquillez vous mais pas trop" ," ayez des enfants, mais une carrière" , "pimentez votre vie sexuelle, mais n’oubliez quand même pas que la pipe, c’est le ciment du couple ", "mangez bio "soyez consumériste mais écolo et feng-shui " . "Ingurgitez cinq fruits et légumes par jour" , " marchez dix milles pas par jour sous peine de devenir une momie avant l'heure " , " jetez vos médicaments par la fenêtre et plantez du thym ".

Bref.

Mon petit mantra perso (petit mais si lourd) , c'est " soyez minces ou ne soyez rien". Drôle de problématique. Absurde en un sens. Car je suis née ronde. Seulement, ce n'est pas un état d'être rond, voyez vous. Non, non. C'est une maladie. Un truc ignoble qu'il faut à tout prit cacher , quitte à se mettre en danger. On nie. On s'acharne. On pleure. On s'efface pour finir par n'exister qu'à travers un chiffre sur une balance, le nombre de calories d'un repas ou le nombre de chocolat qu'on a osé manger. On peut tomber tellement bas. Si vous saviez.

A un moment, mon poids me faisait tellement peur, grossir me faisait tellement peur, que je ne voulais même pas faire un enfant. Trop de kilos, une grossesse. Et imaginez un peu si je ne les perdais pas ensuite ... Que resterait-il de tout mes efforts pour être dans la norme ? Rien. Des années de lutte réduites à néant en l'espace de neuf petits mois. Inadmissible. Je m'en sentais incapable. Mon rêve absolu aurait été qu'on me dise " mais vas-y , fais le ce môme, je connais un médoc qui te redonne ta ligne même pas un mois après, tu risques des clous".Et pourtant, chacun qui me connait ou qui lit ce blog régulièrement sait combien la famille est importante pour moi. Mais même ce rêve n'était plus assez grand. Voyez ... Voyez comment les injonctions,les remarques, le regard de la société peut détruire l'estime et la confiance des gens.

Parfois , je me rebelle. Je me dis que je m'en fou. Que je n'ai rien a prouver.

Pourtant, dès que le chiffre sur la balance varie, je retombe dans les affres dans lesquels je nage depuis des années. Car la nourriture est pour moi une source importante de satisfaction ( je suis très bec sucrée mais j'adore aussi cuisiner ), elle apaise mes tensions intérieures, mes doutes, mes angoisses. Elle me nourrit, affectivement.

Lorsque je suis seule, je ressens un énorme vide en moi accompagné de crise de panique. A contrario, les moments passés à table avec ma famille sont un délice : on rit, on échange, on savoure, rien ne peut m'arriver. Du coup, et très naturellement, je trouve dans la nourriture une compensation pour combler tout mes manques et calmer mes névroses. Une fois l'estomac plein, je suis " remplie" , je me sens apaisée, moins seule, moins désœuvrée. Elle m'aide aussi à adoucir mes échecs. Des différents avec mes collègues, la pression d'un engagement, un souci familial, n'importe quel souci relationnel me pousse à grignoter ... En colère contre moi même quand je n'arrive pas à atteindre les objectifs que je me suis fixée, je dévore puis me mets au régime en compensation d'un préjudice que je pense avoir subi. Ma relation à la nourriture dépend énormément des émotions perturbantes que j'éprouve , que ce soit la tristesse, la déception, la frustration... Incapable d'affronter mes véritables problèmes, je les déplace sur un terrain que je suis censée pouvoir maîtriser, mon assiette et ma silhouette. Je commence alors un régime pour essayer de modifier mon corps selon les modèles qui m'attirent et me revaloriser.

Ceci dit, je constate qu'avec le temps, mon fanatisme ne dure jamais bien longtemps. Je m'affranchie régulièrement des contraintes que je m'étais imposée, les oubliant, souvent passionnée par un quelconque autre projet, et je re-sors la tête du purgatoire. Je sais bien qu'une fois décontractée, je m'accepte à nouveau tel que je suis, retrouvant avec joie mes idéaux habituels.

Le début de l'acceptation ? Pas celle des autres, non. La mienne. Car je n'ai commis aucune faute, aucun sacrilège que je sache. Pourquoi devrais-je m'assumer en tant que ronde aux yeux de la société ? Parce que je suis née ronde dans un monde carré et qui, de toute évidence, ne tournera plus jamais rond ?

J'aimerais que mon apparence ne soit plus ma seule raison de vivre,parce que je sais bien que la vie est trop courte pour perdre son temps avec des regards et des gens à qui ont ne conviendra jamais quoi que l'on fasse.Au même titre qu’il y a des grands, des petits, des minces, des roux, des blonds, des personnes à lunettes, j'aimerais que la rondeur ne soit plus un frein à mon bonheur, qu'elle devienne au contraire un vecteur important dans ma vie, car la différence est tellement moins ennuyante que l’uniformisation dans laquelle j’ai voulu à tout prix entrer.

 

 

 

 

 

Tag(s) : #Humeurs
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